Paris France by Gertrude Stein

Paris France by Gertrude Stein

Auteur:Gertrude Stein [Stein, Gertrude]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie historique
Éditeur: Rivages
Publié: 2018-08-15T04:00:00+00:00


CINQUIÈME PARTIE

I

Nous passions l’après-midi avec nos amis Mme Pierlot et les d’Aiguy en septembre 1939 lorsque la France déclara la guerre à l’Allemagne. L’Angleterre l’avait fait d’abord. Ils étaient tous bouleversés mais pleins d’espoir. Mais moi, j’avais terriblement peur. J’avais été si sûre qu’il n’y aurait pas de guerre. Et voici qu’elle survenait. C’était la guerre. Je fis une véritable scène. Je dis : ils ne devraient pas faire cela, ils ne devraient pas. Et mes amis furent très gentils. Je fis des excuses et dis que je regrettais mon attitude, mais c’était terrible. Et ils me consolèrent, eux les Français pour qui l’enjeu était si grand alors que mon enjeu à moi n’était rien en comparaison.

Cela se passait donc un dimanche.

Puis il y eut un autre dimanche, et ce dimanche-là nous étions encore à Béon. Et la Russie entra en guerre et la Pologne fut anéantie. La Pologne m’importait peu mais j’étais inquiète au sujet de la France. Oh mon Dieu. C’était un autre dimanche.

Puis nous nous sommes installées de manière à passer l’hiver qui fut réellement magnifique.

Nous ne savions pas que nous resterions tout l’hiver. Il n’y a pas moyen de chauffer cette maison de pierre sinon avec des feux de cheminée. Et nous demeurons parmi les montagnes. Il y a beaucoup de neige et il fait froid. Mais peu à peu nous sommes restées. Nous avions un peu de charbon, assez pour le fourneau de la cuisine et une grille dont nous entretenions le feu pour ainsi dire jour et nuit. Il y a toujours du bois tant qu’on en veut ici, étant donné que nous nous trouvons dans des montagnes boisées. Peu à peu nous sommes donc restées ici tout l’hiver. Notre seule absence fut une course de quarante-huit heures à Paris pour chercher nos vêtements chauds et prendre des dispositions au sujet de nos affaires. Puis nous sommes revenues pour ne plus bouger de tout l’hiver.

Ces quelques heures passées à Paris nous ont fait comprendre qu’en temps de guerre on est mieux à la campagne qu’à la ville. L’on fait pousser là sur place ce qui se mange, et comme il est difficile de l’emporter, particulièrement quand on se trouve dans les montagnes, il n’y a pas de privations. Il y avait donc abondance de viande, de pommes de terre, de pain et de miel, et nous avions du sucre. Et nous avions même toutes les oranges et tous les citrons dont nous avions besoin, et des dattes. Peu d’essence pour la voiture mais nous avons appris à nous servir de ce peu pour faire ce que nous voulions. Nous nous sommes donc installées pour passer agréablement un hiver confortable et plein d’émotions.

C’est le premier hiver que je passais à la campagne, dans la vraie campagne, depuis mon enfance en Californie, et j’en fus enchantée. Il y avait de la neige et des clairs de lune et je dus scier du bois. Il y avait autant de bois qu’on en voulait mais pas d’homme pour le scier.



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